3 juin 2021

 

Le comité Pro Persona est un cercle de réflexion composé de philosophes, théologiens et d’experts de la finance, il vise à approfondir les questions éthiques qui se posent à l’activité financière et économique.

 

Sa mission ? Contribuer à une recherche fondamentale et appliquée en faveur d’une finance au service de l’économie et d’une économie au service de la personne humaine. Pour partager les fruits de ses réflexions, Pro Persona édite des Cahiers, découvrez le huitième numéro de la séquence « Investissement éthique » :

 

 

Lorsqu’il s’agit d’investir, il ne suffit pas d’être au fait des tenants et aboutissants de l’investissement envisagé, d’en maîtriser les aspects techniques et financiers. Il faut être capable d’assumer la responsabilité morale qui revient à tout investisseur. Ce dernier doit donc être lucide sur lui-même et sur sa vulnérabilité au pouvoir tentateur de l’argent. Mais à quelles tentations l’investisseur est-il au juste exposé ?

Les quatre tentations de l’investisseur

En plus des évolutions qui donnent au secteur financier sa configuration actuelle, avec ses forces et ses faiblesses, et parce que l’acte d’investir est un acte moral, il faut être conscient que l’investisseur, comme tout homme qui agit, est confronté à des tentations. On peut en relever quatre principales, qui sont souvent mêlées dans la réalité, mais qu’il est éclairant de distinguer pour mieux y faire face. La première tentation, pour l’investisseur, est celle de concevoir une finance sans homme la deuxième, celle de pratiquer une finance sans éthique ; la troisième, celle de mettre en œuvre une finance sans finalité la quatrième, celle d’envisager une finance « hors-sol ».

La tentation d’une finance sans homme

Le développement des nouvelles technologies financières comporte des aspects indiscutablement positifs, mais présente aussi un risque majeur : l’illusion de pouvoir leur confier ce qui, de soi, relève de l’homme, de sa liberté, de son discernement et de sa décision. La standardisation des contrats financiers, la multiplication des algorithmes, le trading à haute fréquence, la gestion indicielle, la blockchain et l’intelligence artificielle sont autant d’exemples d’une tendance au remplacement de l’être humain par des mécanismes qui décideraient ultimement de l’allocation des ressources financières. L’investisseur doit donc toujours garder à l’esprit qu’une technique n’est jamais qu’une cause instrumentale d’un agir qui, fondamentalement, a l’homme pour origine et pour fin. Le Pape François le pointe dans Evangelii gaudium : « la crise financière que nous traversons nous fait oublier qu’elle a à son origine une crise anthropologique profonde : la négation du primat de l’être humain ! » (n° 55).

 

Sans nier tout ce que les technologies peuvent rendre comme service, ce primat de l’être humain rappelle que la technique ne peut jamais se substituer à la décision de l’homme, ni écarter les considérations sociales et la notion de partage, qui sont essentielles au développement de l’économie. C’est d’autant plus vrai que le déploiement d’une technique résulte toujours d’une décision humaine. La technique ne doit pas non plus déresponsabiliser les divers acteurs financiers par le degré de complexité, par la puissance de certains systèmes et par la compartimentation de la connaissance et de l’information, ni dépersonnaliser, voire cacher la contrepartie, car il est indispensable de savoir à qui profite ultimement l’investissement. Sinon, l’homme est de plus en plus dépassé et l’investissement se fait alors sans lui. Une finance qui prétend se passer de l’homme est par définition une finance sans éthique, car pour qu’une démarche soit éthiquement qualifiable, il faut qu’elle puisse être ramenée à des acteurs humains, et non à des processus de nature seulement technique. Afin de surmonter la tentation d’une finance sans éthique, un préalable est donc requis, celui de surmonter la dérive d’une finance sans homme.

 

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